Comment se sentir bien dans sa vie quand on est différent ?
C'est une douleur que vous connaissez depuis longtemps. Quelque part, vous la connaissez bien. Et même tellement bien quand on y réfléchit. C'est comme un vieil ami un peu aigri, et qui vous couvre régulièrement de remarques désagréables. Vous en avez l'habitude et vous le reconnaissez à ces bruits de pas quand il arrive.
Et pourtant, vous ne savez pas vraiment qui il est. Vous connaissez son apparence, son parfum, mais vous ne savez pas vraiment quand et comment il est arrivé dans votre vie. Il est là, point.
Quelque part, vous savez que vous êtes un peu différent. Vous vivez peut être un décalage. Vous êtes au chômage depuis longtemps. Vous êtes homosexuel ou bi. Vous ne voyez pas le monde de la même manière. Peu importe. Mais vous vous dites que ça ne peut pas expliquer toute cette douleur.
Et en plus, vous avez peut être vu des psy, vous avez travaillé sur vous-même, appris toutes sortes de techniques d'organisation et de méthodes pour avoir une vie meilleure, mais bizarrement votre ami aigri, il est toujours là.
Alors peut-être que vous ne regardez tout simplement pas au bon endroit. Peut être que vous avez voulu travailler sur vous-même, et c'est nécessaire dans bien des cas, mais vous avez dû oublier quelque chose. Quelque chose qui n'était pas à l'intérieur de vous, mais à l'extérieur.
Comme une violence, mais que vous ne savez pas nommer. Vous en ressentez les coups, mais vous ne savez pas d'où ils viennent. Une violence... invisible.
En réalité, nous n'avons pas besoin de voir quelque chose pour le mettre en évidence.
Vous ne voyez pas la rivière creuser la roche. Mais vous pouvez constater comment elle a modelé le paysage pour se frayer un chemin. Vous ne voyez pas l'arbre pousser, mais vous pouvez deviner qu'il cherche à rejoindre la lumière. Tout son être semble s'étirer dans ce but.
La force est là, elle agit en silence et nous pouvons la deviner. Comme un agent secret qui jette un peu de poudre au dessus du laser d'une alarme. On ne la voyait pas et d'un coup elle apparait. C'est ainsi qu'on peut faire la lumière sur ces violences invisibles.
On peut les sentir agir. Dès qu'une personne semble dépasser un peu du lot, un ensemble de forces semblent se coordonner pour qu'elle soit de nouveau dans le rang. Et ça marche étonnamment bien.
Comme un système immunitaire
Et si on remonte à l'aube de l'humanité, face à un monde impitoyable, cette intelligence collective, c'est tout ce que nous avions. Et il ne fallait surtout pas l'abandonner au moindre problème.
C'est un peu comme un système immunitaire. L'ensemble de la société, tels des globules blancs, semble disposé à vérifier que vous rentrez bien dans le cadre. Et si ce n'est pas le cas, elle agira en conséquence. C'est ce que j'appelle le système immunitaire social et il est plus puissant que vous ne l'imaginez.
Mais pourquoi font-ils ça ? Pourquoi les humains s'évertuent à se faire pression les uns sur les autres ? Il doit y avoir une raison. On ne passe pas son temps à faire des coups de coude à son voisin pour rien quand même.
Si ça prend autant de place dans la société depuis des milliers d'années, c'est qu'il ne s'agit pas d'un caprice ponctuel. C'est probablement bien plus que ça. Si ça dure depuis aussi longtemps, c'est peut être que la survie même de notre espèce en dépend.
Quand on y réfléchit bien. Une culture commune se développe au fil du temps. Une culture commune se confronte au mur de la réalité et doit s'adapter en conséquence. C'est la résultante d'un large consensus entre de très nombreux humains. En cela, et même si c'est parfaitement irrationnel et largement imparfait, une culture est le résultat d'une intelligence collective.
Et si on remonte à l'aube de l'humanité, face à un monde impitoyable, cette intelligence collective, c'est tout ce que nous avions. Et il ne fallait surtout pas l'abandonner au moindre problème. Il fallait pouvoir s'assurer que ça pouvait durer sur des générations.
Même si pendant 15 ans, on n'avait pas observé de crues le long de la rivière, des anciens l'avaient vécu. Et il fallait que la règle reste suivie : on ne s'installe pas le long de la rivière. C'est comme ça. On ne discute pas. On n'argumente pas. Et si quelqu'un le fait, il recevra tout un ensemble de toquades pour le dissuader de recommencer.
Il sert à ça ce système immunitaire. À protéger l'unité du groupe contre un monde qui n'hésitera pas à nous détruire.
Si il existe un système qui veut vous remettre dans le rang, il existe aussi un menace encore pire : vous-même. Tout ce qui existe à l'extérieur existe aussi en vous. Vous avez internalisé toutes les critiques, toute les toquades, tous ces comportements qui visent à vous remettre sur la voie.
Même complètement isolé de ces attaques, vous pouvez encore souffrir parce que vous vous jugez vous-même. Une part en vous cherche désespérément à vous rendre "normal". De son point de vue, elle cherche à vous protéger. Mais du vôtre, c'est un boulet qui reste accroché à votre jambe.
Peut-être qu'à cet instant, vous êtes découragé. Si l'ennemi se trouve à l'extérieur mais aussi en vous, il vous reste peu de possibilités. Vous êtes cerné. Il semblerait que rien dans ce monde ne semble vouloir vous soutenir. Pourtant, j'aimerais vous montrer qu'il existe une voie.
Trouvez vos semblables
Il existe des personnes qui aiment votre différence, qui aiment ce que vous incarnez. Des personnes qui peuvent vous comprendre car elles connaissent ce que vous vivez. Elles pourront vous apporter de l'empathie. Elle pourront vous aimer à un endroit où vous n'êtes pas encore capable de vous aimer. Cela peut aussi passer par le fait de suivre des personnes au parcours inspirant, des personnes qui témoignent sur Instagram, Youtube, LinkedIn, etc.
Et c'est ce soutien, cet amour qui peut vous soigner. C'est cette solidarité qui peut calmer cette voix qui est en vous et qui n'est autre que l'écho des critiques que vous avez reçu. Nous sommes profondément des êtres sociaux et si la société a pu vous blesser, elle est aussi la solution.
Je sais que ça fait peur. On a déjà dû vous dissuader d'aller voir ailleurs. Il ne faut pas s'enfermer. Par exemple, on vous dira qu'un diagnostic d'autisme ne sert à rien. Ou que les milieux LGBT+ ne sont pas fréquentables parce qu'ils sont peuplés d'extrémistes notoires.
Mais tout ceci reste encore l'expression du système immunitaire social, avec pour seul et unique but : conserver l'unité. Ces voix autour de vous et en vous ne peuvent en réalité rien contre vous. Elles ne peuvent pas vous empêcher d'agir pour votre propre bien. Vous êtes libre.
Comment vivre dans ce monde ?
Mais plus vous nouerez des liens, plus vous aurez du soutien, moins on risquera de vous faire du mal. Et pour cela, il faudra faire preuve de discernement. Donc, il faudra savoir distinguer ce qui ne relève pas du harcèlement. Parce qu'il faut le dire, le harcèlement rend parano.
C'est bien tout ça... Mais on fait quoi de notre famille, de nos amis, de nos voisins et collègues de boulot ? Recevoir du soutien, c'est bien, mais le reste du temps il faudra vivre avec ce monde. Et pas un autre. Il n'y a pas d'autre monde.
Alors on fait comment ? On se dit que c'est la vie, qu'on ne peut pas y faire grand chose ? Ou on apprend à vivre dans ce monde ? Avec ce qu'il est dans la réalité, c'est à dire avec ses aspérités et ses imperfections ?
Je pense qu'on peut rendre les choses plus douces. C'est pourquoi je vous propose d'apprendre à reconnaître les violences invisibles.
La violence cache ses traces. Elle est rangée sous le tapis, caché dans les coins. Aussitôt qu'on pense la tenir, elle s'envole par la fenêtre. On ne la voit pas parce qu'au fond personne ne veut être perçu comme violent.
Il faut des lunettes bien spéciales pour la repérer. Parce qu'elle se déguisera. Elle prendra l'apparence de l'humour ou même de la tolérance et de l'ouverture d'esprit. Mais pire encore, elle existera sans rien avoir à faire, parce que vous obéirez à ses injonctions, sans qu'elle ait à lever le petit doigt.
Vous ne pouvez pas voir la violence des demandes que vous n'osez pas faire. Vous ne pouvez pas voir la violence des sujets que vous ne pouvez pas aborder alors qu'ils sont essentiels. Vous ne verrez pas tout ce que vous brimez en vous, parce que vous en avez tellement l'habitude que vous ne vous en rendez plus compte.
Quand on pense à la violence, on pense d'abord à l'intolérance, à la discrimination, au harcèlement. Ce sont les formes de violences les plus brutales. Et elle savent se faire très discrètes.
Je ne vais pas pouvoir entrer dans le détail, car ça mériterait un article à part entière sur le sujet. Mais déjà, j'ai envie de vous dire ceci. Si vous subissez ces formes de violence, vous avez toute mon empathie. Vous méritez de la bienveillance et du soin. Et pas de ces formes de violence qui avancent masquées.
Ceci étant dit, voici ce que je peux en dire.
Si on vous harcèle, c'est qu'on pense qu'on peut le faire sans prendre de risque. Et plus vous serez isolé, vulnérable, moins votre popularité sera bonne et moins il y aura de risques à vous faire du mal.
Donc mes conseils seront les suivants : faites preuve de discernement et trouvez des alliés. Arrêtez de vous préoccuper des personnes qui vous détestent. Préoccupez vous des personnes qui ont de l'empathie pour vous.
Vous pourrez avoir l'impression qu'elles n'existent pas parce qu'elles ont peur et se cachent. Mais plus vous nouerez des liens, plus vous aurez du soutien, moins on risquera de vous faire du mal. Et pour cela, il faudra faire preuve de discernement. Donc, il faudra savoir distinguer ce qui ne relève pas du harcèlement. Parce qu'il faut le dire, le harcèlement rend parano. Et ça arrange vos agresseurs parce que vous voyez le harcèlement partout et ça vous isole. Vous vous énervez publiquement et ça vient nourrir votre isolement.
Et ils prendront donc un malin plaisir à vous donner l'impression que tout le monde pense comme eux. Ce n'est pas vrai. Faites preuve de discernement. Même si tout le monde est invité à une soirée et pas vous, cela ne veut pas dire que tout le monde pense pareil. C'est important.
Vous pensez être seul, mais vous ne l'êtes peut être pas autant que vous l'imaginez. Le harcèlement s'appuie sur vos complexes et sur votre mauvaise image de vous-même. Même si vous restez persuadé que tout le monde vous déteste, essayez d'imaginer que ce n'est pas le cas. Et allez chercher du soutien. Vraiment.
Le mythe du bon différent
Alors Mélanie n'invite pas sa copine dans les repas de famille. La copine de son neveu oui, mais sa copine non. Et quand un voisin lui demande quand est-ce qu'elle leur ramène son petit copain, elle répond qu'il est très occupé. Elle ment.
On rentre enfin dans le cœur du sujet. C'est une des violences les plus répandues et dont on parle le moins. Elle semble ne pas exister parce qu'elle s'apparente à la plus pure bienveillance. J'ai nommé le mythe du bon différent.
Cela peut être le bon handicapé, le bon homosexuel, le bon étranger, le bon célibataire. Il y a une infinité de bon quelque chose. Mais si il y a le bon handicapé, il y a aussi le mauvais handicapé. Si il y a un bon homosexuel, il y a aussi le mauvais homosexuel.
Et c'est là où ça devient violent sans qu'on s'en rende compte, on vous ADORE en tant que bon différent et vous ferez tout pour le devenir et le rester. Quitte à vous couper de toute une partie de vous-même.
Le mythe du bon différent peut se résumer en une phrase : "Il y a quelque chose de mauvais en vous, mais on vous pardonne.". Et ce n'est pas si anodin : le pardon coûte cher.
Pour vous faire pardonner de votre différence, il faudra que vous fassiez allégeance, c'est à dire que vous prouviez votre loyauté au groupe qui vous accepte. Vous devrez l'aimer, l'admirer et ressentir beaucoup de gratitude pour la place qu'on vous fait.
Il faudra aussi que vous fassiez beaucoup d'efforts. Plus que les autres qui n'ont rien à se faire pardonner.
Il faudra que vous restiez discret sur votre différence. Ne pas en parler, ne pas en être fier ou démonstratif. Cela nécessitera de vous gommer autant que nécessaire. Il faudra aussi rester vigilant pour ne pas que votre différence ressorte, même accidentellement.
Mais pourquoi tout ceci est problématique ? On pourrait dire que c'est déjà pas mal. On nous accepte, on nous fait une place. Et puis, ne serait-ce pas normal d'avoir honte ? Un peu ? Non ?
On accepte que Mélanie soit bisexuelle. Cela fait trois ans qu'elle est très amoureuse d'une femme. Dans sa famille, le sujet a été abordé, on n'en parle plus. On t'accepte comme n'importe qui d'autre lui a-t-on dit. Mais Mélanie a remarqué qu'on n'appréciait pas que le sujet ressorte.
Dès qu'elle aborde de près ou de loin un thème LGBT+, on lui coupe la parole ou on passe à autre chose. Le problème, c'est qu'elle aimerait bien présenter son amoureuse à sa famille. Mais il n'y a pas d'espace de discussion puisque le sujet est tabou.
Alors Mélanie n'invite pas sa copine dans les repas de famille. La copine de son neveu oui, mais sa copine non. Et quand un voisin lui demande quand est-ce qu'elle leur ramène son petit copain, elle répond qu'il est très occupé. Elle ment. Quand on lui demande ce qu'elle a fait ce week-end, elle choisit très soigneusement ses mots pour ne pas qu'apparaisse la copine en question dans la conversation.
Mélanie voit bien qu'on ne la traite pas comme les autres membres de sa famille. On la fait dormir dans la petite chambre d'ami qui est au grenier. Il y fait une chaleur écrasante l'été et un froid dévastateur l'hiver. Mais ce n'est pas si grave. Elle a une chambre. Et puis, il faut bien laisser la grande chambre du premier à sa sœur qui vient de fêter un an de vie de couple avec son copain. Et ils vont peut-être se marier. La famille attend avec impatience qu'elle fasse son premier enfant. Et ça tombe bien, c'est prévu.
On pourrait dire que tout se passe bien et qu'il ne s'agit que de petites frustrations. Pas plus. Mais revoyons l'histoire sous un autre angle.
Mélanie ne se sent pas acceptée par sa famille. Elle en souffre parce que cela crée une distance. Comme si il y avait un mur entre elle et eux. Elle aimerait aussi pouvoir se détendre, pouvoir aborder toutes sortes de sujets, sans avoir à mesurer ses mots. C'était le cas avant sa copine et ainsi elle pouvait vivre des moments de fluidité et de connexion. Mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Le sentiment d'amour et de lien est affecté. Elle ressent un vide affectif et familial.
À côté de ça, elle a une mauvaise estime d'elle-même. Elle ressent sa vie comme un échec. Elle voit bien que sa famille n'est pas fière d'elle et ça vient enfoncer le clou. Et puis pas facile de voir sa mère très complice avec la copine de son fils. Elle y pense parfois : et si c'était sa propre copine qui était complice avec sa sœur ?
Et puis, comme beaucoup de gens, elle aimerait fonder sa propre famille. Mais étant donné les circonstances, sa copine restera une simple copine. Une forme d'erreur de parcours, en attendant une vraie rencontre avec un homme. Mais Mélanie est très amoureuse, et elle aime cette femme et pas une autre personne. Elle rêve d'un lien fort. Elle rêve de faire famille et de vivre son amour en grand. Mais non, elle ne vivra pas ce rêve.
Alors si vous vous posez la question : pourquoi Mélanie souffre ? Parce qu'elle a une estime d'elle-même dans les chaussettes et que tous les liens les plus importants de sa vie, fussent-ils avec sa copine ou sa famille, son affectés par la situation.
Et je n'ai pas abordé d'autres sujets comme ses amis, son boulot ou même ses voisins. Les deux femmes colocataires, ça fait parler dans le quartier apparemment.
Nous avons tous besoin de liens profonds et d'une estime juste de nous-même. Nous avons besoin aussi de connexion et de moments de légèreté où l'on peut lâcher prise.
C'est comme si je vous disais : abandonnez TOUS vos loisirs. On pourra toujours se dire que les loisirs par définition, c'est secondaire. C'est juste du fun et de l'amusement. Mais la réalité, c'est que même vivre de la légèreté et du fun, c'est primordial.
Il y aurait de multiples variantes à cette histoire. Peut-être que la copine de Mélanie aurait pu être invitée au repas de famille. Mais ça ne change pas tant le fond. Le mythe du bon différent vient affecter des besoins fondamentaux de notre existence. Et même si ça ne parait rien, en réalité, ce n'est pas rien du tout.
Arnaud est autiste. Et quand on le félicite parce qu'il a arrêté de se balancer, en réalité, il n'y a rien de cool là dedans. Arnaud ressent fort qu'une part de lui est mauvaise. Il a honte d'avoir envie de se balancer et il se prive d'un réconfort important de sa vie. Même avec des félicitations et une fête en son nom parce qu'il a enfin réussi à paraître normal, au fond, Arnaud vit quelque chose de violent.
Et finalement peu importe la différence en elle-même, c'est toujours un peu la même chose. Sarah n'a pas d'enfants à 42 ans et elle redoute de dire qu'elle n'en veut pas. Sébastien aimerait voyager à temps plein dans son camion emménagé, en créant des sites internet à distance. Pour le moment, il se contente de voyager avec pendant les vacances, parce que ça fait pas très sérieux.
Oui comme vous pouvez le remarquer, le mythe du bon différent peut aussi vous amener à renoncer à votre différence. Mélanie aurait très bien pu renoncer à sa relation avec son amoureuse, même si elles sont heureuses ensemble.
Mais que se passe-t-il si vous ne voulez plus vous sentir honteux ? Si vous voulez vivre pleinement votre différence, sans faire tous les efforts qu'on vous demande ?
Je vais vous le dire : vous prenez le risque de ne plus être considéré comme un bon différent. Vous prenez le risque de devenir un mauvais différent. Vous ferez partie de ces personnes qui amènent le chaos et brisent l'unité des traditions et du bien vivre ensemble.
Si Mélanie demande d'amener sa copine aux repas de famille, on lui dira peut-être : oui fais comme tu veux. Et après quelques temps de froid relationnel, on lui pardonnera. Mais si Mélanie et sa copine parlent un peu trop de leurs amies lesbiennes ou qu'elles décident de faire un câlin dans le salon, alors ça sera trop.
Le neveu et sa copine qui se tiennent la main dans le canapé, c'est mignon, mais là non, c'est pas possible. Mélanie prendra alors le risque qu'on la trouve impudique et arrogante. Et la fois suivante, on oubliera de l'inviter. Ou l'entrain retombera quand elle voudra s'insérer dans une conversation.
La théorie de l'autodétermination
Je n'invente rien. Les études montrent que nous avons besoin d'agir à partir de nos propres choix. C'est à dire en accord avec nous-même. Nous avons besoin d'être en accord avec nos convictions, valeurs, avec notre vision du monde. Et si nous agissons par contrainte, sans que ce soit défini par nous-même, nous sabotons un besoin fondamental : le besoin d'autonomie.
Nous avons aussi un besoin fondamental d'être accepté tel que nous sommes, nous avons besoin d'être connecté aux autres, de prendre soin des autres et qu'on prenne soin de nous. Si nous n'avons pas cela, nous sabotons un autre besoin fondamental : le besoin d'appartenance.
Ces deux besoins sont validés par de nombreuses recherches en psychologie sous l'appellation de théorie de l'autodétermination.
Et plus que cela, nous avons besoin que ces besoins fondamentaux ne s'opposent pas. Si votre appartenance menace votre autonomie, vous avez des chances de vous sentir mal. Si votre autonomie menace votre appartenance, vous avez des chances de vous sentir mal.
Donc oui, être accepté entièrement, ce n'est pas juste un caprice. Passer sa vie à mettre de côté toute une part de soi parce qu'elle est considérée comme mauvaise, c'est une sacrée raison pour se sentir mal. C'est pour ça que vous ne comprenez pas pourquoi vous souffrez autant. Parce que ça a l'air de rien comme ça, mais supporter une honte que vous trainez partout avec vous, c'est vraiment une bonne raison de vous miner le moral.
Et la première chose à faire, c'est de prendre conscience de l'ampleur du problème. Parce que ce n'est pas rien. Vraiment pas rien.
Et la famille dans tout ça ?
Par exemple, il y a souvent de la culpabilité dans les familles. C'est de ma faute, je n'aurais pas dû faire ci ou ça. Ou alors j'ai peur que d'autres personnes sachent pour toi. Il ne faudrait pas que ça s'ébruite.
Commençons par la famille. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la culture, les convictions, les codes d'un groupe ne sont pas figés. Ils peuvent changer au cours du temps. Et ce que vous voudriez vous c'est que votre famille puisse intégrer de nouveaux codes.
Juste suffisamment pour que vous vous sentiez mieux avec eux. Et c'est là tout l'enjeu. Il va donc falloir définir, c'est quoi votre minimum acceptable ? Sur quel aspect êtes-vous prêt à obéir volontairement, et sur quel aspect cela dépasse vos limites ? Définir les contours de l'acceptable vous permettra d'y voir plus clair.
Sur quels aspects vous allez pouvoir rassurer votre famille, parce que vous n'allez pas tout chambouler, et sur quels aspects vous aurez besoin que ça bouge ?
En d'autres termes, vous avez besoin d'une nouvelle culture familiale qui vous fasse de la place. Et actuellement, ce n'est pas le cas.
Dans le cadre de l'autisme, il existe des accompagnements pour les familles. On parle alors de rétablissement. Oui on parle de rétablissement pour la famille. C'est à dire qu'il y a un deuil à faire, il y a des choses à accepter et c'est un certain travail.
Par exemple, il y a souvent de la culpabilité dans les familles. C'est de ma faute, je n'aurais pas dû faire ci ou ça. Ou alors j'ai peur que d'autres personnes sachent pour toi. Il ne faudrait pas que ça s'ébruite. Comprendre que c'est un processus aussi pour eux pourra vous aider.
Le deuxième aspect, c'est la clarté. Quand on ne comprend pas le comportement d'une personne, on en vient rapidement à se faire plein de films. Mélanie a été influencé par des LGBT extrémistes. Elle va vouloir régenter sa loi dans la famille, etc, etc.
Si vous apportez de la clarté, cela va aider votre famille à ne pas se faire de films. Mélanie a besoin de proximité avec sa famille. Elle vit une distance du fait de ne pas être acceptée. Elle aimerait bien vivre un lien. Elle aimerait ne pas avoir à se cacher ou à rester vigilitante sur les mots qu'elle utilise.
Et pour amener de la clarté, il y a deux méthodes. La première c'est d'écrire, cela va vous aider à poser des mots sur ce qu'il se passe en vous. La deuxième, c'est de trouver une personne qui va vous écouter, et qui va reformuler ce que vous dites. Cela peut être un ami ou un psy.
Et le reste du monde ?
Si il ne s'agit pas de votre famille mais de vos amis, et pourquoi pas de vos voisins ou même de vos collègues de boulot ? Eh ben figurez-vous que les solutions sont un peu les mêmes, mais pas les réactions.
En dehors du cercle familial, la différence peut être bizarrement plus facile à accepter. Disons que les personnes se sentent un peu plus détachées, elles voient votre différence d'un peu plus loin. Il n'y a pas de culpabilité ou de honte qui vient s'ajouter.
Inversement, plus une personne sera éloignée de vous, moins elle sera disposée à faire des efforts. Et donc, moins elle aura envie de s'ouvrir à vos différences.
C'est donc un peu quitte ou double. La distance peut aider... ou pas.
Quoiqu'il en soit, soyez clair avec ce que vous souhaitez. Parce que le risque reste toujours le même : qu'on interprète mal vos demandes ou votre comportement. Plus vos demandes seront précises et circonscrites et plus il y aura de chances qu'on vous dise oui.
C'est un principe assez basique en Communication NonViolente. Si vous dites à quelqu'un : peux-tu me faire un câlin ? C'est un peu flou, on ne sait pas trop combien de temps ça va durer, ni de quelle manière sera fait le câlin. Ce sera plus facilement accepté si vous dites : peux-tu me prendre dans tes bras pendant une minute ?
Cela fait moins peur parce que la demande est circonscrite.
Et c'est pour cette raison que l'empathie est une clé si importante. Plus vous comprendrez ce qui peut faire peur à votre entourage, plus vous pourrez être explicite et clair. Plus vous pourrez anticiper les malentendus.
Vous ne pouvez pas voyager à Paris avec une carte de Toulouse. Si vous vous méprenez sur ce que ressent et pense une personne, il y a de fortes chances que cela mène à des conflits parasites. C'est à dire des conflits qui n'auraient jamais dû exister en première place.
C'est quoi être différent ?
Mais allons un peu plus loin. On parle de différence, mais on ne le nomme pas vraiment. On ne sait pas ce que c'est réellement. On a cette vague impression que ça concerne tout le monde, que tout le monde est différent à sa manière. Et pourtant certaines personnes se revendiquent plus différentes que d'autres. C'est étonnant non ?
Prenons un exemple.
Stéphane a 38 ans. Il est marié et il est le père d'une petite fille de 5 ans. Il habite avec sa femme dans une maison dont ils sont propriétaires. Il jardine un peu de temps en temps et son terrain est bien entretenu. Il travaille du lundi au vendredi, dès 8h du matin en tant manager dans une entreprise qui fabrique de la peinture. Socialement, il gère très bien les différents contexte de vie sociale. Il sait discuter de tout et de rien avec le voisin. Mais il sait aussi parler de choses profondes avec son meilleur ami Sylvain. Il voit sa famille régulièrement et participe à des événements festifs de temps en temps. Bref, Stéphane a différentes caractéristiques valorisées par la société et il connait un ensemble de codes sociaux complexes qui lui permettent d'être adapté socialement.
Il est considéré comme stable, fiable, travailleur, responsable. Il est masculin sans être macho, sûr de lui sans être autoritaire. Il est sympa et n'a pas de handicap.
Mais en réalité, Stéphane est malheureux comme un poux. Parce qu'il se plie aux attentes sociales. Il se suradapte.
On pourrait dire qu'être différent, c'est la difficulté à être en phase avec les attentes sociales. Si Stéphane était bien dans sa peau en vivant ainsi, on aurait pu dire qu'il ne vivait pas de problème de différence.
Prenons un autre exemple.
Bianca a 48 ans. Elle n'a pas d'enfants. Elle n'a pas le permis et travaille 6h par semaine en donnant des cours de mathématiques. Elle loue un studio aménagé dans le grenier d'une maison. Les voisins la trouvent assez étrange. Elle est jugée un peu trop masculine pour une femme. Elle n'aime pas faire la fête et ne voit quasiment jamais sa famille. Elle souffre de douleurs chroniques qui l'empêchent de pouvoir rester debout longtemps.
Mais en réalité, Bianca est malheureuse comme un poux. Tout simplement parce qu'elle perçoit sa vie comme un échec. Au lieu d'embrasser ses différences et de construire sa vie à partir de ça, elle vise la normalité et n'y est pas arrivée.
Comment créer sa propre recette de vie ?
Il existe tout un tas d'autres modèles, mais nous les refusons d'entrée parce que nous n'aimons pas tout ce qui sort de la norme.
Mais alors on fait comment ?
Il faut imaginer les attentes sociales comme une recette. Il y a quelques variations, mais globalement, ce sont toujours les mêmes ingrédients, la même cuisson et la même préparation. On n'en a même pas conscience tellement ça parait normal. Nous n'imaginons rien d'autre.
Et tout ce qui s'éloignera trop de la recette d'origine sera facilement perçu comme immoral, comme irréaliste, inintéressant, pas naturel. Mais ce sont des contes, ce sont des histoires. Il va falloir nous trouver d'autres points de repères pour savoir créer de nouvelles recettes.
Et le premier point de repère, c'est l'éthique.
La morale fluctue avec les sociétés, avec les époques. C'est un mauvais point de repère parce qu'elle ne repose sur rien de rationnel. Au contraire, l'éthique permet de faire des choix qui sont "bons", qui permettent d'être positifs pour la société et nous-même.
Le deuxième point de repère, c'est la décomposition. On va décomposer notre recette sociale en ingrédients de base.
Je vais vous donner un exemple. Je ne travaille quasiment pas parce que je suis handicapé. Or, cela fait partie de la fameuse recette de la réussite sociale que de travailler à plein temps. Et si possible un bon job. Alors, je fais quoi ? Je déprime d'être un raté ou j'essaie de décomposer ce que signifie le travail ?
Le travail, c'est plusieurs choses : un salaire et le sentiment de contribuer à la société. J'ai une allocation handicapé, pour la partie salaire. Et pour la partie contribution, je suis bénévole, comme je le fais en écrivant ces lignes.
On pourrait interroger notre vie entière de cette manière comme le couple, la famille, les amis, les loisirs, le logement. Il existe tout un tas d'autres modèles, mais nous les refusons d'entrée parce que nous n'aimons pas tout ce qui sort de la norme.
Mais c'est là où vous allez trouver des libertés que vous n'imaginez pas. On vous propose un gâteau, toujours le même et vous le détestez. Vous avez la possibilité de créer autre chose, mais il faudra oser s'aventurer en dehors des schémas pré établis. Et le problème, c'est que le biais de confirmation rôde.
Prenons l'exemple d'une personne qui veut vivre dans un camion emménagé. C'est ça son bonheur. C'est comme ça que cette personne va s'épanouir. Vous risquez de trouver toutes sortes d'arguments pour dire que ce n'est pas une bonne idée. Alors je vous propose de faire le contraire. Essayez d'imaginer pourquoi ça peut être une très bonne idée.
Un autre exemple. Le polyamour. Le polyamour a été pensé pour imaginer des relations multiples, mais de manière éthique. Essayez d'imaginer pourquoi ça peut être une bonne idée. Même si ça vous parait bizarre, nul et que vous avez entendu parler que ça marchait pas. Si je vous dis que les relations exclusives ne marchent pas et mènent à l'échec dans la grande majorité des cas, personne ne va ciller. Maintenant, si on dit ça sur le polyamour, on va dire que c'est une mauvaise idée. Voilà, vous voyez ce que c'est que de faire du biais de confirmation. Donc essayez d'imaginer pourquoi ça peut être positif.
Et quand vous vous serez vraiment intéressé à toutes sortes de modes de vie, alors à ce moment là, vous serez vraiment libre de choisir. Vous pourrez vous dire que vivre dans un camion ou le polyamour c'est pas pour vous. Mais aujourd'hui, probablement que vous n'en savez rien parce que vous n'avez jamais envisagé ces choses là.
Pour être libre, il faut avoir le choix. Et la question : est-ce que vous l'avez ? Est-ce que la gâteau qu'on vous sert vous plait ? Est-ce que vous pouvez imaginer une autre recette qui vous plait mieux ?
A partir de là, vous allez pouvoir réintégrer les ingrédients comme ça vous plait.
Vous pouvez travailler à mi temps dans tel boulot et le reste du temps, vous vous consacrez à vos créations.
Ou vous allez vivre dans une colocation et vous allez expérimenter une autre manière de vivre ensemble.
Vous pouvez être célibataire, mais partager de la co parentalité avec votre meilleur ami.
Vous vivez plusieurs relations indéfinies, sans étiquettes, vous savez que vous les aimez, mais vous n'avez pas besoin de définir de quelle manière.
Vous vous créez une famille de cœur qui sont les piliers de votre sentiment d'appartenance. Et vous réinventez comment vous pouvez faire famille avec ces personnes.
Vous choisissez de vivre une sexualité libérée, en sachant que votre corps vous appartient et que c'est vous qui définissez ce que vous en faites.
Vous pouvez choisir de ne pas avoir d'enfants, mais de vouloir parrainer des personnes pour les aider, les soutenir dans leur vie.
Vous pouvez choisir de contribuer d'une manière qui est riche de sens pour vous, tout en vivant des relations d'une manière stimulante et choisie, vous avez réellement la liberté de vivre la vie que vous souhaitez. Le tout, c'est d'avoir conscience que c'est possible. C'est de voir qu'il existe de multiples manières de vivre sa vie, en dehors de schémas pré établis.
Si vous n'allez pas bien, il ne suffit pas forcément d'aller régler ce qu'il y a dans notre tête. Parfois, si on ne va pas bien, c'est le signal que quelque chose ne va pas dans notre vie. Cela peut être le signe qu'il faut agir dans ce monde, pour trouver la vie qui vous convient.
Vous pouvez le faire, vous êtes libre.
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